Houmed Aboubaker Houmed
Houmed Aboubaker Houmed

Houmed Aboubaker Houmed s’est éteint dans la nuit du 16 au 17 novembre 2014 à l’âge de 80 ans à Djibouti-ville. Issu d’une famille célèbre pour avoir marqué de son empreinte tout un pan de l’histoire de la corne d’Afrique, l’arrière petit fils d’Aboubaker Pacha aura été le premier djiboutien à terminer avec succès le cursus de l’enseignement secondaire français, le 30 juin 1958 à Marseille en décrochant le baccalauréat de la série littéraire.
Succès bien mérité pour un garçon studieux et discipliné qui avait l’art et la manière de pêcher souvent le livre sur les genoux. Le bon élève cachait également un observateur qui lorgnait la vie politique avec un œil discret. Mais il faudra attendre son entrée dans la vie professionnelle pour le voir esquisser un pas spectaculaire dans ce domaine.

L’outsider de l’élection sénatoriale de 1959

C'est de Tadjourah où il exerce en qualité d'enseignant de l'école primaire que le jeune Houmed poste sa candidature à l’élection sénatoriale de 1959. Il mène une excellente campagne et suscite un large soutien dans tout le pays. Cependant, les résultats officiels seront controversés.
Houmed Aboubaker conteste la victoire du favori de l’administration coloniale, Hassan Gouled Aptidon, déclaré gagnant avec 5927 voix contre 5906. Il s’empresse alors, de rassembler les preuves de la fraude et manifeste son intention d’intenter un recours en annulation devant le conseil constitutionnel. Ce sont les électeurs de quartier 3 qui se seraient massivement prononcés en faveur du candidat inconnu de monde politique. C’est là d’ailleurs, qu’il se trouvait en pleine réunion avec ses amis dans un « Mabraz », lorsque le gouverneur représentant de l’État français lui envoie son chauffeur pour le rencontrer illico presto : « je me suis rendu dans son palais en Fota (macawiss) et en tee shirt » précise-il quand nous l’assaillons de questions au siège du MSVC (Mouvement de soutien aux victimes civils) où le président Hassan Ali Mohamed (Dalga) avait planifié des rencontres avec des responsables des partis d’opposition ou des personnalités célèbres de la société djiboutienne tout au long de l’année mouvementée de 1992. Le gouverneur tenta de dissuader Houmed de déposer un recours en annulation devant l’instance compétente pour se prononcer sur le contentieux électoral en échange d’un portefeuille ministériel.Houmed Aboubaker décline l’offre, provocant la stupéfaction de son interlocuteur. Enfin pour clore sur cette question, sans vouloir trop s’étaler sur le raison de son retrait de la scène politique : « il n’y avait pas de place pour deux cousin » lâche-il tout simplement en faisant allusion à Ali Aref Bourhan

L’administrateur l’emporte sur l’homme politique

C’est dans l’administration que monsieur Houmed Aboubaker choisit de poursuivre sa carrière en préparant une formation à l’institut de hautes études d’outre-mer. Il sera le dernier « préfet » d’Obock de la période coloniale.
Á l’accession du pays à l’indépendance nationale, le premier ministre Ahmed Dini fera appel à l’administrateur chevronné pour en faire son chef de cabinet. Bien que Houmed Aboubaker enchanté par cette proposition se soit présenté au bureau du premier ministre les deux hommes ne pourront jamais se rencontrer. L’originede cette énigme se révélera une décennie plus tard au cours d’une rencontre fortuite dans une mosquée où il y aurait eu un échange rapporté en ces termes :

- J’ignore toujours monsieur Houmed pour quelle raison avez-vous décliné l’offre que je vous ai faite quand j’étais premier ministre alors que vous avez accepté par la suite d’intégrer le cabinet de Barkat Gourad comme conseiller technique.
- J’ai bien reçu votre message. Je l’ai jugé intéressante et me suis présenté dans votre bureau à plusieurs reprises pour vous rencontrer. Non seulement vous n’avez jamais réussi à ménager un créneau dans votre agenda pour me recevoir, mais vous m’aviez éconduit en me demandant d’oublier la préposition tout simplement.

Le quiproquo est d’autant plus incroyable qu’il a lieu entre deux personnalités qui partagent de solides valeurs morales et un sens aigu des responsabilités. L’affaire sera portée devant une instance coutumière. L’auteur de l’intrigue clairement identifiée en la personne qui avait été chargée par le premier ministre de faire passer le message à l’administrateur tombe en disgrâce. A la fin de ce récit poignant nous avons constaté qu’Houmed Aboubaker avait pris cette affaire avec certaine sagesse. Pour preuve : « vous savez mes enfants, la jalousie existe partout » dit-il tout simplement.

Au-delà de cette anecdote, c’est toute l’administration du pays qui se privera des compétences de ce grand administrateur par la suite, mais plus pour des raisons tribales que par jalousie. Dans l’histoire de la fonction publique djiboutienne, Houmed Aboubaker et Idriss Doudoub seront deux premiers djiboutiens à atteindre le plafond sauf que le premier, la politique de marginalisation oblige, en position de « bras-cassé » tandis que le second en tant que chef de district de Djibouti.
Et pourtant, preuve s’il en faut qu’un homme intelligent ne se laisse jamais abattre, Houmed Aboubaker décidera de servir son pays en se consacrant à l’éducation et à l’enseignement de ses enfants. Il décroche alors un record qui reste difficile à battre puisqu’il réussi à faire tous des bacheliers, de ses douze enfants dont certains exercent actuellement en qualité de médecin ou ingénieur.

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